Quelle relation la Fondation Abbé Pierre entretient-elle avec la pub ?
La publicité est vitale dans nos métiers, d’autant que les organisations humanitaires ne peuvent valoriser que leur marque et la confiance qu’elle inspire pour convaincre les donateurs de leur accorder les moyens d’agir. La force de la marque et son image sont donc absolument déterminantes. Le travail à conduire pour les former et les entretenir passe donc essentiellement par la publicité.
Quelles sont les grandes campagnes pub emblématiques de la fondation ?
Toutes sont importantes car ce n’est pas une campagne qui dessine une image, mais l’ensemble des campagnes délivrées dans le cadre strict d’une stratégie bien définie et clairement transmises aux différentes agences.
La fondation s’exprime plus en affichage et en film pub ? Quelle part la com digitale et influence prend-elle dans votre stratégie pub ?
Le public est partout, il faut jouer de tous les supports pour aller le chercher. D’autant que la mémorisation d’un message ne se fait qu’avec la répétition d’un message donné, la multiplication des points de contact est déterminante.
Quels sont les messages que vous souhaitez pousser en pub prochainement ?
Les mêmes qu’hier et avant-hier, les mêmes que demain. La communication est un art du temps long et les mouvements qu’elle opère ne sont sensibles qu’avec la répétition des messages institutionnels partagés et porteurs des valeurs de la marque sur le long terme.
Comment vous distinguez-vous d’Emmaüs ?
Emmaüs est un groupement d’associations créé par l’Abbé Pierre mais qui agit dans des registres et des positionnements stratégiques et culturels différents. La Fondation Abbé Pierre a été créée par l’Abbé Pierre pour poursuivre son combat et elle s’inscrit chaque jour dans cette intention forte.
Vous avez toujours investi l’évènementiel et la rue dans vos dispositifs de prise de parole, pourquoi ?
La rue est le théâtre de nos actions sociales puisque la lutte contre la vie à la rue est un champ emblématique du travail de la Fondation. C’est notre ADN que de nous inscrire dans les codes qu’elle génère.
Yves, vous êtes arrivé à la fondation juste après le décès de l’Abbé Pierre. Quel défi vous-êtes-vous imposé pour la com de la fondation à votre arrivée ?
Continuer le combat, exister malgré tout, sans la figure puissante de l’Abbé Pierre pour porter les messages. Il a fallu tout inventer avec une équipe très efficace.
Qu’est ce qui a bougé depuis votre arrivée dans la com de la fondation ?
Beaucoup de choses, à commencer par l’arrivée du social média. Ceci étant dit, il ne faut pas surinterpréter ces évolutions, même majeures. Au fil de l’Histoire, des nouveaux supports de communication ont toujours enrichi le spectre du panel à disposition des communicants, et les supports traditionnels sont toujours là et préservent toujours leur efficacité. Il faut juste rester en veille et articuler les outils pour servir une même stratégie. Le métier n’a pas changé, il s’est juste un peu accéléré…
La Fondation a toujours travaillé avec de très belles agences de pub BDDP, Altmann + Pacreau, Fred & Farid, qu’est-ce que vous attendez de votre agence de pub ?
D’être créative. Les organisations humanitaires ont pour mission de communiquer sur des publics très larges avec des moyens souvent dérisoires (en tous les cas, sans commune mesure avec les acteurs du monde marchant qui obstruent le marché dans les périodes stratégiquement déterminantes). La créativité est une nécessité qui permet d’émerger malgré la faiblesse de moyens affectés à l’achat d’espace.
Certaines associations craignent de communiquer par peur d’être critiquées par leurs donateurs.
Pourquoi, pour une asso ou une fondation, est-il aujourd’hui devenu indispensable de communiquer ?
La publicité, étymologiquement, c’est l’action de rendre public, de faire savoir. Il n’y a donc pas de crainte à nourrir en l’espèce ; les donateurs sont intelligents, ils savent que l’effort de communication est nécessaire pour que le combat puisse être gagné. Au-delà de cette nécessité, il y a aujourd’hui un nombre plus restreint de donateurs car la crise que nous traversons est violente pour les classes moyennes. Il faut donc leur parler et les convaincre de donner des moyens d’action à nos organisations.
La fondation entretient des relations avec le cinéma, votre dernier film est signé Desplechin, que vous apporté ce nouveau regard artistique ?
Nous travaillons avec des cinéastes de haut niveau depuis trois ans déjà. Dans l’ordre, nous avons sollicité Eric Lartigau, Sarah Suco et donc Arnaud Desplechin. C’est important lorsqu’on a peu de temps pour convaincre de le faire avec efficacité. Or, il n’y a pas plus brillant qu’un cinéaste pour faire du cinéma. À l’heure de l’image, c’est important de prêter une attention soutenue au choix des personnes à qui nous confions la mise en image de nos messages.
On m’a dit qu’un biopic sur l’Abbé Pierre sortait en novembre au cinéma avec Benjamin Lavernhe et Emmanuelle Bercot et qu’il était sélectionné pour le Festival de Cannes, vous retracez toute la vie ou une partie de sa vie dans le film ?
Oui, il s’agit d’un biopic et il est déterminant pour la Fondation dans sa mission de préservation de la mémoire de l’abbé Pierre. Nous travaillons depuis des années sur ce projet. Le film porte quasiment sur la vie entière de l’Abbé, puisque les premières images le trouvent à 20 ans à peine lorsqu’il intègre l’ordre des Capucins et conduit le spectateur jusqu’à sa mort. Il y a une immense satisfaction à avoir été retenu en Sélection officielle par le Festival de Cannes car il s’agit de la preuve que ce beau film est une réussite. Nous espérons désormais qu’il trouvera son public à partir du 15 novembre prochain…
L’abbé pierre aurait-il monté les marches de cannes fièrement ? Qu’est-ce que vous aimeriez qu’il vous chuchote à l’oreille montant les marches de cannes ?
L’abbé Pierre a monté les marches à Cannes lors de la projection, à l’époque, du film « Hiver 54 » qui retraçait l’aventure de l’appel du 1er février de cette année-là ! S’il était encore là, nous aimerions qu’il nous dise simplement, afin qu’on reste à la place qui doit être la nôtre, que « le combat continue » …
La Fondation a été la première association à participer aux Mlle Pitch Awards & CO que vous a apporté ce concours ?
Beaucoup de visibilité, une dynamique particulière apportée par les jeunes créatifs et la satisfaction d’avoir pu générer un grand nombre de propositions talentueuses au profit de la mémoire de l’Abbé Pierre et du combat de ses héritiers.
Les jeunes connaissent peu ou mal L’Abbé Pierre mais connaissent votre association. Qu’est que l’Abbé Pierre a d’inspirant pour les jeunes d’aujourd’hui ?
D’abord, c’est initialement grâce à l’Abbé Pierre que sa fondation a pu émerger. Elle a longtemps bénéficié de sa figure tutélaire pour développer ses actions et son plaidoyer. Petit à petit, elle a réussi à installer sa marque dans l’espace humanitaire français et, à son tour, contribuer à entretenir la mémoire de son créateur. Pour les plus jeunes qui le découvrent, il peut représenter une forme de héros ordinaire moderne, à rebours de discours radicaux et violents. Car même s’il n’a jamais rien concédé dans ses combats, il le faisait toujours dans le respect des personnes et des institutions. Mener un combat éminemment politique et incarner un autre modèle de société par la seule force des mots et des convictions, c’est une voie qui peut créer des vocations et, à tout le moins, inspirer un profond respect.
Votre brief créatif consistait à réinscrire l’Abbé Pierre dans le patrimoine mémoriel des jeunes, pari réussi avec le déploiement de la campagne primée pendant un an sur le réseau MEDIATRANSPORTS ?
Oui, assurément. Les retours ont été très positifs et on a pu mesurer une remontée du taux de notoriété de notre fondateur. Cette campagne avait pour fonction d’ouvrir une vaste séquence mémorielle et elle a parfaitement joué son rôle.
Quelle citation de l’Abbé Pierre vous inspire chaque jour ?
La citation qui fait le plus écho à notre époque est la suivante : « La misère ne se gère pas, elle se combat. » Depuis de nombreuses années, nous constatons que la puissance publique est démunie face au combat qu’elle devrait mener pour mettre un terme aux grandes injustices. Ce combat-là ne coûte pas un « pognon de dingue », contrairement à ce qu’on peut entendre, mais serait rentable socialement et économiquement si on voulait bien s’attaquer aux causes de la pauvreté plutôt qu’à vaguement en traiter ses conséquences. Bien sûr, il faut du courage pour s’attaquer à ce défi, et nos sociétés en manquent bien souvent. On peut le déplorer.
À l’époque, l’Abbé Pierre s’était emparé d’un micro pour faire entendre sa voix, aujourd’hui il ferait quoi ?
Il le ferait encore. Il avait eu très tôt l’intuition que les combats humanitaires seraient un jour versés dans l’espace public pour atteindre leurs objectifs et il a été précurseur en la matière dès l’appel de 1954. Il savait jouer des médias, utiliser toutes les chambres d’échos possibles pour sensibiliser et provoquer les acteurs politiques. Il a même participé à un jeu radiophonique pour faire valoir ses messages !
Peut-on dire que c’était un influenceur avant l’heure ?
On pourrait le définir ainsi. Car il a eu bien plus d’influence sur la marche des choses que la plupart des personnes qui produisent des « contenus » destinés au social média.
Le grand prix du jury de l’année vous concernant a récompensé un dispositif 360 consistant à lancer un challenge rap national sur les mots de l’Abbé Pierre, ce challenge sera-t-il lancé prochainement ?
Nous avions été sensibles à cette idée qui avait été produite dans le cadre du concours car elle surfait sur l’air du temps. Le phénomène n’était pas révolutionnaire car les « contests » de rap existent depuis de nombreuses années, mais il correspondait bien à un champ spécifique de la communication de la Fondation Abbé Pierre en direction des cultures urbaines. Pour autant, même si nous continuons à œuvrer dans ce domaine et à vouloir absolument promouvoir le développement de jeunes artistes en parallèle de la diffusion de nos messages, une action de cette envergure ne serait vraiment pertinente que dans le cadre d’un évènement de grande envergure. Finalement, le groupe de créatifs méritait le grand prix à l’époque car leur dispositif était intelligent et répondait en théorie à un brief donné ; mais son développement réel nécessiterait la mobilisation de moyens dont nous ne disposons pas à ce jour. C’est le sempiternel passage de l’idée à la pratique qui constitue un frein à de telles actions.
La campagne « Des petits rien qui changent tout » qui vous a représenté pendant un an a suscité énormément de réactions positives du public. Qu’a t’elle apportée à votre fondation en terme de notoriété ?
C’est plutôt la notoriété de l’Abbé Pierre qui en a profité, en direction de publics qui sont souvent peu perméables aux messages institutionnels de la Fondation et qui n’ont pas connu l’Abbé Pierre de son vivant. C’est cette cible qui a été impacté.
Campagne Pierre D’Alteroche
Seriez-vous prêt à revenir comme ONG bénéficiaire du concours ? Le brief créatif porterait alors plus sur quelle thématique ?
Bien sûr, une telle visibilité est très précieuse ! le brief serait sans doute très différent de celui que nous avions délivré alors. Il porterait sans doute davantage sur les actions concrètes de la Fondation…