Par Magali Faget, CEO de l’agence Mlle Pitch

Le 8 mars est passé, accompagné de son rituel bien rodé de tribunes et d’interviews sur l’entrepreneuriat féminin et les inégalités hommes-femmes. Pendant 24h, les caméras se sont tournées toutes en direction des success stories féminines et des nombreuses études scandant les disparités hommes-femmes. Mais une fois la date passée, le silence retombe. Douce hypocrisie face à la réalité de l’entrepreneuriat et des inégalités que de nombreuses femmes vivent chaque jour, dans l’ombre, loin des discours convenus.
Et si cette année l’attention n’était pas portée sur les réussites glorieuses, ou encore sur les chiffres qui continuent de démontrer l’écart des situations, mais au contraire affirmait la condition des femmes telle qu’elle est pour en faire une force d’appui et propulser leur leadership ?
Diriger c’est choisir. Et choisir c’est renoncer.
C’est un fait, devenir cheffe d’entreprise c’est accepter de bouleverser l’équilibre de sa vie personnelle, de prendre des décisions que la société ne pardonne qu’aux hommes. Lorsqu’un dirigeant masculin s’investit sans modération dans sa carrière, son implication est saluée. À contrario, un même choix réalisé par une dirigeante soulève de façon systématique une inquiétude concernant l’équilibre familial.
Loin du mythe de la « superwoman » capable de tout mener de front sans faillir, la réalité est bien plus concrète : le succès professionnel exige des choix qu’il faut assumer. Célébrer les droits des femmes, c’est aussi commencer par cesser de maintenir des théories bien pensantes sur la flexibilité du travail et les aménagements d’horaires pour conserver son rôle de mère, d’épouse et de femme d’affaires au même plan. Mais plutôt encourager chaque femme à être unique, lui permettre de construire son propre leadership et choisir sa voie sans étaux, sans pression « sociale ».
La communication : un secteur féminin, un pouvoir masculin
Le paradoxe est total : pour réussir les entrepreneuses doivent forcément être plus masculines, plus audacieuses, plus dures dans leur gestion, mais impossible pour elles de déroger à la responsabilité familiale. En preuve les investisseurs, les banquiers ou encore les partenaires qui cherchent presque systématiquement « l’homme » derrière les décisions d’une dirigeante. Une cheffe d’entreprise doit donc non seulement prouver qu’elle est compétente, visionnaire et capable de diriger, mais elle doit en plus convaincre qu’elle est légitime et qu’elle saura concilier tous les aspects de sa vie professionnelle et personnelle.
Il serait facile de croire que cette situation n’existe que dans les milieux dits « masculins », tels que l’ingénierie par exemple et que le monde de la communication fait exception parce qu’il est réputé « féminin ». Après tout, les écoles de communication regorgent à majorité d’étudiantes, et le constat est le même dans les agences, sauf au regard des postes en direction qui restent massivement masculins. La communication perçue comme un secteur ouvert, créatif et progressiste, conserve en réalité les mêmes schémas de pouvoir. La question n’est aujourd’hui plus de savoir où le bât blesse, mais plutôt de faire de cette présence majoritaire une force et un levier de changement.
Et si les femmes prenaient la main selon leurs règles ?
Fortes de ces constats, les femmes doivent davantage s’allier pour se rendre visibles et non tenter en vain de correspondre individuellement aux codes masculins pour mieux les convaincre. En se mentorant les unes les autres, en intégrant des réseaux d’entrepreneuses et en initiant davantage de prises de parole dans les médias et au cœur des entreprises de façon récurrente, les femmes façonneront le leadership de demain par elles-mêmes. Elles pourront imposer leur vision de l’entreprise et transformer le paysage entrepreneurial.
Changer la donne dans la communication et plus largement dans le monde du travail, nécessite un travail de fond et non seulement un « focus » annuel sur les femmes inspirantes. À travers la journée du 8 mars, il était essentiel de poser les bases d’une réflexion structurelle sur l’accès aux postes de pouvoir, les mécanismes de cooptation et l’évaluation des carrières, afin de valoriser les atouts des femmes et de les propulser sur le devant de la scène.

Magali Faget est la fondatrice de l’agence de communication à impact Mlle Pitch et une experte reconnue de la publicité et des relation publiques/médias depuis 1990. Elle a commencé sa carrière dans la publicité, notamment au sein du groupe Havas, avant de se tourner vers les relations presse et publiques. En 1995, elle crée sa première agence, Précision, qui gère des campagnes à succès pour des marques et des personnalités influentes. En 2016, après avoir dirigé un département RP de 40 personnes, elle lance Mlle Pitch, une agence engagée et axée sur la créativité et l’impact des idées. Passionnée par la communication engagée, elle fonde en 2020 le concours national de publicité dédié aux grandes causes Mlle Pitch Awards & Co, puis le podcast Mlle Pitch ON AIR qui rassemblent professionnels de la communication, ou encore célébrités autour de sujets solidaires.